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Des contes pour dormir: le conte de fée

Le conte est une petite histoire complète (début, développement, fin) et imaginaire, qui montre un héros/héroïne aux prises avec un problème. Qu'il/elle réussit à résoudre avec une aide magique. Et à la fin le méchant est puni et le gentil gagne!

Lire des contes à ses enfants des contes, structure leurs émotions, leur propose un matériau de référence, leur permet de s'identifier à des héros gagnants et dans ce sens les fait croître.

Pourquoi le conte est-il si important dans la construction de l'identité?

Le conte est construit selon un schéma narratif stéréotypé où tous les éléments se combinent en vue d'un dénouement nécessairement heureux.

Dans le conte allemand, la fée (de tradition celtique) est une sage-femme, une accoucheuse.
En tant que gardienne des rites de la naissance, elle veille sur l'enfant qu'elle a aidé à mettre au monde et incarne son destin (Marthe ROBERT)

  • Le conte est anonyme.
  • Il s'inscrit dans une tradition originellement orale.
  • Il se présente comme un mensonge, et se déroule dans un lieu et un temps imaginaire :"Il était une fois, au-delà des 7 mers, quand tous les désirs se réalisaient."

Comment et pourquoi le conte "marche" toujours

  • Il raconte un mensonge, avec des personnages imaginaires et non réels : il ne me demande pas d'y croire  

  • Il permet et suscite la projection
  • Il organise et structure des émotions que j'ai ressenties ou que je ressens encore. 
  • Les personnages mettent en scène des situations que je reconnais sans en être consciente.
  • Il a le même langage que le rêve
  • L'enfant s'identifie avec le héros innocent et victime
  • Son seul but est le plaisir de l'enfant
  • Il finit bien: par la justification et la transformation du héros
  • Il ne s'intéresse qu'à un moment de la vie du héros.

 

Ce que le conte raconte:

Le conte raconte le conflit familial vu par la loupe grossissante de la vision infantile: l'enfant/héros est une victime absolument innocente. Il évoque l'occulte, le caché et l'interdit à l'intérieur des familles.

Les évènements à la naissance du conte

  • un accident de naissance : la mère meurt presque toujours
  • arrivée de la marâtre, avec son escorte de filles laides et méchantes
  • présence de la misère (Petit Poucet)
  • Prophétie ou tabou (La Belle au Bois Dormant)
  • Rejet par la famille (enfants abandonnés)

A la puberté

  • Voeu imprudent
  • promesse au Diable
  • Désir incestueux
  • Présence d'un monstre (ogre, dragon, sorcière)

Les dérives du Conte

  • L'infantilisation: Le conte est pour petits
  • La moralisation: on gomme les aspects cruels et durs. La sorcière est gentille.
  • La traduction: utilisation et explicitation des contes à des fins thérapeutiques et /ou scolaires.

Un exemple typique:
Le conte du Genévrier permet de balayer un ensemble de problématique familiale
  

  • La gestion du stress
    Ici, la mère est présentée comme saisie par le Diable. Elle est montrée - et c'est rare - comme une victime de la haine. Elle n'arrive pas, c'est plus fort qu'elle.
    Face à cette irruption de la haine et du rejet, elle passe à l'acte.
    Ce sentiment qu'on n'y arrive pas, qu'on ne maîtrise pas tout, que les choses nous échappent, que le temps nous rattrape. Qu'il y a danger fantasmé de disparaître. Tout ceci est illustré chez la mère par le besoin d'éliminier la cause apparente du mal.
  • Mes parents se déchirent
    Dans les contes, la guerre entre les époux n'est jamais abordé frontalement, mais toujours de manière détournée : l'épouse, si elle ne meurt pas à la naissance, est séparée de son mari et de ses enfants pendant des années.
    Le père apparemment inconsolable de la mort de sa femme, se console très vite.
    Dans le conte du G., la guerre entre les époux se manifeste par la mort de l'épouse et la faiblesse complète du père face à la marâtre. La marâtre est une illustration de la mère haineuse. L'ogre, du père terrible et du mari tout puissant.

  • Frère et soeur
    Dans les contes de frère et soeur, il y a plutôt alliance complète, voire même fusion entre les frères et soeurs. Leur destin est lié et ils vont même être les sauveteurs les uns des autres. (Les 7 corbeaux, les 7 cygnes, Petit Frère et Petite Soeur, Hansel et Gretel)
    C'est pareil aussi pour le Petit Poucet. Comme si les enfants reconstituaient la famille, prenaient sur eux la cohérence et le lien du tissu familial. Ces contes se déroulent toujours en l'absence complète des parents.
    Dans le conte du Genévrier, Marlène n'est pas la fille classique de la marâtre (comme le sont les soeurs de Cendrillon), mais fille du père, elle est du même sang que son frère.
    Il n'y a là rien d'incestueux. Ces contes racontent une étape présexuelle de l'évolution de l'enfant, non encore différenciée. A comparer avec Blanche-Neige et les 7 nains, qui sont plutôt des petits frères que des amants potentiels.
    La haine se vit entre belles-soeurs, mais elle ne fait que réactualiser la haine de la marâtre.
    Belle-soeur et marâtre sont les mêmes personnages.
    Le conte propose un regard intéressant sur les haines et les rivalités dans la fratrie: Le frère ou la soeur haïs sont les avatars de l'un ou l'autre parent. La haine résulte d'un lien avéré ou caché, d'une identification d'un parent avec tel ou tel enfant. (CF l'histoire de Joseph ou d'Esaü et Jacob)

    Note: Les histoires de famille des textes bibliques sont complémentaires avec les contes, dans ce qu'elles présentent les mêmes thématiques, mais sur le long terme, et présentées comme vraies, c'est-à-dire non imaginaires.
  • La violence dans les familles
    Dans le conte du G. elle se manifeste sans se cacher.
    C'est le but du conte: divertir en dévoilant les pulsions de haine. C'est un véritable miroir grossissant des visages que peut prendre la violence. Mais ici, ce n'est pas la violence traditionnellement racontée (mutilation verbale ou physique, lâcheté, rejet, abandon) mais la violence dévorante.
    Le mythe grec terrifie en racontant Cronos dévorant ses fils. Ici, la fascination s'intensifie devant l'anthropophagie et le sacrifice. Elle nous met mal à l'aise, parce que nous reconnaissons à la fois ce que nous avons subi de nos parents et ce que nous faisons subir à nos enfants.
    Ce conte fascine et dérange: La fascination devant la violence et ses effets destructeurs montre bien à quel point nous en percevont la présence à l'intéreur de nous-mêmes. Le conte en général est violent, parce qu'il dévoile et montre crûment les fonctionnements cachés à l'intérieur des familles et des conflits. Le roi s'oppose au prince et à la princesse. La reine fait de même.

    Le père au fils et à la fille, la marâtre aux enfants du premier lit, beaucoup plus rarement la mère au père (ce conflit-là reste voilé).

    Ici, la mère est victime d'une violence spiritualisée. C'est le diable, dit le conte qui entre en elle. Le conte la montre manipulée, dépassée par une violence qu'elle ne peut pas contrôler. Une fois l'acte commis, elle est terrifiée de ce qu'elle a fait.
    D'habitude, le méchant du conte n'a pas de doute: il est totalement mauvais et n'est jamais présenté dans son doute ou sa complexité. La marâtre de la Belle au bois dormant est entièrement cruelle. Le conte ne parle jamais de la complexité d'un personnage, mais de son rôle exclusivement.
    La mère est trop humaine, trop complexe. Elle nous ressemble trop: manipulatrice, double, terrifiée, confuse. C'est ce qui nous met mal à l'aise. On sort du genre rassurant du conte, où le méchant est si méchant que ce ne peut être nous-même.
       
  • Les secrets de famille
    Le conte montre bien le mécanisme du secret. La mère dit à Marlène, que son père ne saura rien. Elle en fait sa complice. Il y aussi tout le poids de la culpabilité qui pèse sur Marlène. Dans une certaine mesure, le secret partagé répartit la culpabilité entre les membres de la famille. Se taire, même si je ne suis responsable de rien, crée en moi le doute quant à ma participation au secret et m'englue dans la complicité. Mais Marlène se croit responsable de la mort de son frère. Ecrasée de culpabilité, elle ne fait plus que pleurer.
    Dans ce conte, le secret est double: secret quant au véritable criminel (elle est punie à la fin, donc désignée comme coupable) et secret pour Marlène qui ne doit rien dire. Celui qui parle le secret est comme coupable de montrer la faute au grand jour. On sent bien la confusion, le trouble et l'écrasante paralysie qui saisissent la soeur. Elle ne saura qu'elle est innocente que quand le secret sera dit et chanté : "Ma mère m'a tué, mon père m'a mangé, petite soeur Marlène..." Le père, lui, est systèmatiquement décrit comme complice innocent. Il dévore sans savoir ce qu'il fait, apparemment.
    Un secret finit toujours par se savoir. Le chant de l'oiseau fascine ceux qui l'entendent. Il est clamé, écouté, entendu  et on paie même pour l'entendre encore. (Les oreilles d'âne du roi Midas ou les habits neufs de l'empereur).

  • Apprivoiser ses peurs
    Ecouter un conte de fée comme celui-ci consiste à voir derrière les habits du réel la vérité toute nue, la vérité des émotions, de ce qu'on ressent des intuitions.
    Le conte permet de se confronter à ses peurs de la mère mauvaise, du père dévorant, de la haine, de les reconnaître, sans devoir les éprouver, puisqu'il se présente comme un mensonge dans le seul but de nous divertir.
    Néanmoins, nos peurs sont bien présentes à l'écoute du conte. (C'est bien ce qui nous rend si avide et conquis par l'histoire). Elles sont réactivées par l'histoire, mais la fin nous appaise et nous rend notre sérénité.
    La fin est l'unique finalité du conte 

  • Chemins vers l'autonomie

Le conte offre à l'enfant un chemin vers une forme d'autonomie.
D'abord parce qu'il nomme les processus en cours,
il désigne les acteurs du drame,
il guide la victime sur le chemin de la puissance.

La fin du conte du Genévrier nous montre l'enfant sacrifié, l'enfant victime offert à la violence de sa belle-mère (l'agneau du sacrifice), qui devient le Vengeur, le Meneur du jeu, celui qui punit, récompense ou honore... avant de redevenir un simple petit garçon. Et celle qui pleurait de chagin dansera de joie.
La récompense est à la mesure du tort subit.

   

Conclusion

Des contes pour grandir: la morale du conte est d'une extrême simplicité: le méchant est puni.
Non que, dans la vie, ce soit le cas. Mais le conte ne nous parle pas de la vie (ce ne serait alors qu'un fait divers), il parle d'imaginaire.
Dans l'imaginaire, lieu de mes rêves et ressort secret de mes fonctionnements, j'apprends que le méchant qui fait de moi sa victime, sera jeté à terre, puni et que la victoire sera ma victoire.

Offrir à ses enfants des contes, structure leurs émotions, leur propose un matériau de référence, leur permet de s'identifier à des héros gagnants et dans ce sens fait croître.

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