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Aide éducative et guidance parentale à Genève

Mon enfant m'échappe

Résumé d'une conférence animée par le Dr A. Ciola, Psychiatre, Thérapeute de famille

                           
Dans mon enfant m’échappe, on entre dans une sphère autant positive que négative. C’est positif car l’enfant doit partir, doit s’échapper pour construire petit à petit sa propre identité. S’il reste croché aux parents, il ne pourra pas vivre sa propre individualité.
C’est négatif s’il s’échappe de façon conflictuelle, avec une rupture...
S’échapper dans le sens de penser de façon différente des parents, de modifier l’échelle de valeur, de proposer d’autres valeurs, des innovations dans la façon de vivre ensemble, c’est une bonne façon de s’échapper.
Mon enfant m’échappe renvoie à des questions de séparation, de conflit, d’autonomie, de couple, d’adolescents, de générations, d’attentes que les parents ont déposées dans les enfants, d’attentes que les enfants ont déposé dans les parents, de réciprocité, de règles, de règlements, sortir, entrer, accord, désaccord, conflit...

Le conférencier passe une vidéo montrant la simulation d’une rencontre avec une famille: il y a une famille, un père, une mère, deux enfants dont une adolescente: le père, qui a provoqué la rencontre ne comprend plus sa fille, 17 ans, qui a arrêté brutalement son apprentissage, sans raison apparente, veut quitter la famille. Il est bouleversé, ne comprend pas et veut consulter pour cela. Sa mère est aussi catastrophée. La jeune fille, ne veut pas venir car elle pense que le thérapeute n’a rien à voir avec son histoire, mais elle se plie quand même à ce que lui demande son père. 
Et de plus, sur le chemin, elle apprend à ses parents qu'elle est enceinte.
Pendant la séance le thérapeute fera parler chaque membre de la famille: le père dira son abattement, sa stupeur et son incompréhension, la mère également. Le frère aîné soutient sa sœur et la jeune fille compte sur cette aide.

La jeune fille, Céline: elle veut décider pour elle-même et arrêter un apprentissage dont elle a marre. Pour elle c’est une attitude courageuse.

Les parents: cette attitude n’est pas courageuse mais irresponsable.
Une tentative de dialogue s’instaure: on apprend que Céline, très jeune, dès 13 ans, partait avec ses copains, et que Mme a eu l’impression qu’elle s’échappait jeune, que la mère de Céline a été rejetée par la famille de Mr. lors de sa grossesse et qu’elle a vécu la situation de sa fille: elle peut donc lui dire que ce sera très dur, mais Céline lui répondra que puisqu’elle a déjà vécu ça, elle pourrait avoir une attitude plus compréhensive. Vite, la discussion tourne un peu en rond chacun restant sur ses positions. Le thérapeute fera alors bouger les membres de la famille et mettra côte à côte le père et le fils et côte à côte la mère et la fille.
Son objectif: modifier les interactions entre les parents et les enfants et voir ce qui en résulte.
Le résultat: un dialogue père/ fils s’installe d’un coté et mère/fille de l’autre.

Les relations Parents/ Enfants
Souvent les parents revendiquent le fait qu’ils savent mieux que les enfants ce qu’il y a de mieux pour eux. Et les enfants, à leur tour, revendiquent le fait qu’ils savent mieux que les parents ce qu’il y a de meilleur pour eux.
Or, l’organisation d’une famille se fait toujours à travers l’alternance et la conjugaison de deux axes. Quand un couple se forme et décide de vivre ensemble, d’avoir un enfant, il doit faire quelque chose en relation avec l’axe verticale et horizontal: l’obéissance, la fidélité et la loyauté à ses propres parents et la loyauté à son partenaire.
         
L’axe vertical: lignée grand - parent, parent, enfant. C’est la notion de respect, de loyauté que les enfants doivent aux parents, grands-parents, ... 
L’axe horizontal: correspond à la loyauté et à l’appartenance et à la famille d’origine et à ses pairs.

         
Pourquoi avoir fait changer de place les membres de cette famille?

La constitution d’une famille est quelque chose de très complexe, de très long et qui commence certainement avant même que les enfants n’apparaissent. Il y a toujours un arrangement entre l’axe vertical et l’axe horizontal. Les deux parents sont dans leur famille d’origine et à un certain moment ils se rencontrent et ont un enfant. Cet enfant est vécu, dans l’exemple, comme une rupture du contrat qu’il y avait entre les parents et leurs enfants: les enfants se sont échappés car ils ont fait quelque chose que leurs parents ne permettaient pas.
Céline, dès 13 ans part progressivement de sa famille: elle se sent suffisamment bien dans sa famille pour pouvoir partir. Elle est au clair par rapport à son axe vertical (parents), et elle est partie vers son axe horizontal, ses pairs, son frère. Le frère et la sœur sont restés complices.
Au moment de la séquence vidéo, Il y a une sorte de congélation de 2 sous-systèmes: celui du frère et de la sœur, complices, et celui des parents: système des adultes, réactionnaires. Ils ont peur que leur propre histoire se répète. Pourtant, au contraire ils ont toutes les possibilités de faire qu’elle ne se répète pas: en accueillant le petit enfant avec joie, ils feraient un choix différent de leurs parents et rompraient avec la fatalité.
En changeant les places, on veut que s’instaurent et un dialogue père/fils et un dialogue mère/fille: c’est comme si la mère récupérait la fonction maternelle et la fille récupérait la fonction filiale. On fait que l’organisation horizontale, parents/enfants qui ne fonctionne pas bien soit modifiée grâce à la construction de 2 autres sous-systèmes, le système père/fils et le système mère/fille: d’autres facettes dans la personnalité des relations de chacun apparaissent. Une famille est constituée par un ensemble de relations continuelles et permanentes. On est forcément en relation quand on vit ensemble. Et il n’y a aucune relation qui n’est accompagnée par un sentiment ou par plusieurs sentiments parfois contradictoires. Dans cette vidéo, la relation mère/fille a changé. Le sentiment aussi.

Dans le film on sent Céline seule d’un coté et ses parents de l’autre
Les parents ont déjà vécu ça et ils ont rompu avec la famille. Là, leur fille leur donne la possibilité de rompre ce schéma. Ils ne le saisissent pas, comme s’ils avaient perdu cette liberté, comme s’ils étaient condamnés à répéter la même expérience de rupture dans la relation avec leurs propres parents. L’expérience de la mère n’a pas été utile et elle réagit immédiatement en disant ça va être terrible alors que la mère peut faire qu’il n’arrive pas la même chose.

Ce sentiment de répétition arrive souvent, surtout dans les moments douloureux. Nous pensons qu’il ne faut pas donner autant d’importance au fatalisme, à la répétition d’évènements qu’on a subi dans la famille d’origine. 

L’une des missions de la famille est de rompre ce fatalisme: mon père doit me permettre d’être suffisamment autonome pour décider de ce que je vais faire de l’histoire familiale et doit me donner l’autorisation de décider comment je vais utiliser l’héritage familial.
Pour développer l’autonomie de l’enfant, les parents doivent trouver des relations avec lui et le mettre dans une position où il peut devenir compétent. Et les parents doivent reconnaître la compétence de leur enfant.
Par exemple: au moment où un enfant commence à manger seul si on lui donne une cuillère pour manger et qu’on lui dit de ne pas salir ce qu’il y a à coté, il devient incompétent. En revanche, si on met une serviette et une nappe protectrice, il devient compétent pour manger, même s’il salit tout car on a crée un contexte dans lequel ses actes deviennent une démonstration de compétence.

Attention à ne pas créer des contextes dans lesquels l’enfant ne peut être qu’incompétent. Quand il est incompétent on le corrige, on le puni, on le gronde... et on a oublié que pour amener l’enfant à l’autonomie, c’est à dire à avoir des relations alternativement avec la famille et avec l’extérieur, on doit reconnaître sa compétence. Cette reconnaissance de compétence est l’un des chaînons le plus difficile et ardu, mais le chemin le plus sûr vers l’acquisition de l’autonomie. On a tous, dans les relations familiales que nous entretenons avec nos enfants, nos parents, notre conjoint... à proposer des choses dans lesquels ils peuvent être compétents.

L’enfant pourra subir les conséquences négatives de l’héritage familial avec des parents qui le mettent dans l’impossibilité de reconnaître sa compétence.

On a l’impression que les parents ressentent les actes de leur enfant comme dirigés contre eux

Souvent les parents croient que tout ce que les enfants font et qui ne correspondent pas aux attentes qu’ils ont de ce que les enfants doivent faire est une attaque contre eux. Or les enfants ne font pas les choses contre les parents. Ils essaient, à leur façon, d’assumer le droit de vivre leur propre vie dans l’axe horizontal. Ils obéissent à leur propre instinct, à leur propre perception de l’importance de vivre dans cette appartenance horizontale.

La famille est un ensemble d’individus qui ont chacun sa propre individualité. Ils ont une appartenance commune, une série de croyances et d’apprentissages faite dans la vie en commun. Cette famille devient une matrice de l’identité. On y trouve les premiers éléments nous permettant de construire notre identité: celle-ci est constituée des interactions avec la famille, avec l’entourage social, scolaire...
Tous ces évènements extérieurs ont une valeur significative. On ne peut pas être seulement attentif au seul désir de la famille. Sinon les individus perdent la capacité de construire leur propre individualité: c’est l’individuation intégrée. Je fais partie de la famille X, mon père aussi, mon frère cadet font partie de la même famille, mais chacun de nous a construit sa propre individualité qui nous amènent à prendre des décisions. Celles-ci peuvent être en accord avec les décisions habituelles de la famille ou en rupture.

Le respect réciproque: dans une famille les parents et les enfants sont liés par des obligations réciproques: les parents ont des obligations à l’égard des enfants comme les enfants ont des obligations à l’égard des parents. Il y a une réciprocité. S’il y a faille dans cette obligation réciproque ou si l’un des membres de la famille a l’impression d’une faille, alors il y a conflit. Les parents ne doivent pas forcément respecter toutes les décisions des enfants, mais il y a une réciprocité dans le respect mutuel des désirs, des pensées, des perceptions de la façon dont ils croient que c’est bien d’être dans le monde.

Souvent la façon de fonctionner d’un couple sera influencée par la façon par laquelle la famille d’origine de chaque partenaire accepte ou non le futur couple: la critique, l’abandon... se ressent très fortement sur la destinée du futur couple.
Mais l’évolution peut se faire et les membres d’une famille sont en général plus dynamiques que ce qu’on imagine, plus prêts à faire des modifications.

Une modification dans l’échange, dans la relation provoque un effet boule de neige: ce petit changement provoque un autre changement et un autre changement...

La négociation de l’autonomie: dans une famille il y a 5 types d’interaction les plus fréquentes:

  • Relation d’indifférence: tout le monde se fiche de tout le monde: c’est le chacun pour soi.
  • Attention, disponibilité et intérêt mutuel: la réciprocité de l’intérêt est très importante.
  • Négociation: qui fera ci, qui fera ça? Tout le monde gagne, il n’y a pas de perdants.
  • Confrontation: t’as fait ci, alors je fais ça, ce qui peut amener à de gros conflits.
  • L’escalade symétrique: il y un gagnant et un perdant suite à des grosses confrontions. C’est la guerre.

Les meilleurs types d’interactions familiales sont bien sur l’attention/disponibilité et la négociation.

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