Quand les enfants partent de la maison, ils laissent parfois un grand vide. Vient le temps pour les parents, de revoir leurs priorités, de réinterroger leur couple et leurs envies.
En refermant une dernière fois la porte derrière eux, nos chers petits mettent aussi fin à un long chapitre de la vie familiale. « Entre 30 et 50 ans, ils occupent une grande partie de notre temps, remarque Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne, auteure de l’essai "Le jour où les enfants s’en vont"*. Et puis tout d’un coup notre quotidien change, il n’y a plus de bruit, de frigo à remplir. » Cette rupture est avant tout l’envol des enfants vers de nouveaux horizons, vers leur vie assumée d’adulte.
« Ils sont grands et autonomes, ça veut dire que vous avez fait le job ! constate Nicolas Favez, professeur de psychologie clinique du couple et de la famille, à l'Université de Genève. Mais ça n’empêche pas d’avoir un sentiment ambivalent, d’être à la fois heureux pour eux et de se sentir abandonné. »
Sorte de baby-blues à l’envers, le syndrome du nid vide qui touche les parents correspond à une période de la vie où il y a beaucoup d’autres changements.
Jusque-là, vous cochiez toutes les cases de la vie sociale. « Vous avez répondu à toutes les attentes du système à savoir, faire des études, travailler, fonder une famille, souligne M. Favez. Quand ce cycle s’arrête, vous vous demandez tout ça pour ça ? »
Arrivés à la fin du processus, nous pouvons difficilement ne pas regarder en arrière et ne pas tirer un bilan.
« Le départ des enfants coïncidence à peu près avec la crise du milieu de vie où les repères bougent, note Mme Copper-Royer. Pour une mère qui a tout géré à la maison, qui approche de la ménopause ou de la retraite, ces chamboulements peuvent être vécus comme des deuils. »
Dans une famille monoparentale, l’impact peut être également douloureux si l’enfant a pris une – trop – grande place. « Si vous êtes seul·e et que vous avez tenu le coup malgré la lourde charge que cela représente, il peut y avoir une impression de perte de sens, d’inutilité quand l’enfant s’en va, concède M. Favez. Ou alors, vous êtes soulagé·e et vous vous dites que vous allez pouvoir enfin passer à autre chose. » La façon de vivre ce moment délicat qu’est l’envol de son/ses enfant(s) dépend avant tout de la propre histoire familiale des parents.
Autrefois l’enfant n’était pas un sujet d’attention particulier. « A la campagne, l’enfant partait jeune en apprentissage. Dans les familles aisées, il y avait un grand écart entre le monde des enfants et celui des adultes, rappelle Mme Copper-Royer. Aujourd’hui, les enfants sont censés nous apporter un surcroît de bonheur et nous combler. »
Au centre du royaume, ils font écran et deviennent dans certains foyers, le ciment qui fait tenir le couple.
Une fois les enfants partis, l’heure est venue de renégocier notre rôle conjugal, explique M. Favez. Ceux qui auront su entretenir une relation de couple sont mieux armés pour passer cette phase de post parentalité.
De quoi a-t-on envie à présent ? Quelles sont nos nouvelles exigences ? S’ils éprouvent de la lassitude, si le désir n’est plus au rendez-vous, il est tout à fait possible que les parents se séparent et repartent chacun de leur côté sur de nouvelles bases.
Ces dernières années, il y a une très forte augmentation des divorces chez les aînés. Que ce soit après avoir élevé les enfants ou à la retraite, le constat est le même, on veut avancer et continuer à profiter.
« Les années à venir sont celles où l’on se réoriente, où l’on réactive les projets qu’on avait mis de côté faute de temps, relève Mme Copper-Royer. On se remet à voyager, à rencontrer des gens, à revivre une histoire d’amour. »
Dans la première moitié de notre vie, nous sommes tournés vers l’extérieur, à la recherche d’un statut social, de biens matériels. Ensuite s’opère un courant inverse, vers l’intérieur. « On revient à soi, le regard des autres compte moins, estime M. Favez. Sans les enfants dans une maison devenue trop grande, on va envisager de déménager et pourquoi pas de changer de vie par la même occasion. » Encore en pleine forme physique, les parents libérés des tâches éducatives ont le choix de garnir le nid vide de toutes leurs aspirations. Le lien parental ne disparaît pas pour autant, mais les rapports sont désormais d’une autre nature.
« Il est très agréable d’avoir des enfants adultes, considère Mme Copper-Royer. Vous avez le plaisir de la relation sans les soucis d’avant. »
Les parents doivent admettre qu’il est dans l’ordre des choses que les enfants s’éloignent du foyer familial pour construire leur vie et fonder leur propre famille. Un peu plus tard à l’arrivée des petits-enfants ils reviendront vers eux, réclameront à nouveau leur présence, leur demanderons d’endosser le rôle de grands-parents, mais ça c’est une autre histoire…
François Jeand’Heur
*Le jour où les enfants s’en vont - Ed. Albin Michel 2012, Ed. Le Livre de Poche 2014
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