Les lignes bougent sur le front des familles. Depuis juillet 2014, l’autorité parentale conjointe est accordée automatiquement à la mère et au père. En cas de divorce, de séparation, ils sont désormais deux à décider quand jusqu’à présent la mère détenait un droit quasi-exclusif sur les enfants. En s’appliquant également aux couples non mariés, la loi reconnaît au père son rôle, son influence. Ce rééquilibrage entraine dans son sillage le concept de la coparentalité ou une certaine idée du fonctionnement familial.
La coparentalité se fait souvent jour à l’occasion d’une séparation, d’un divorce. Avec cet accident de la vie, c’est le schéma familial classique qui vacille et qui est remis en question. « Je rencontre des pères qui, peu présents auprès de leurs enfants pendant leur vie de couple, s'investissent beaucoup plus une fois séparés », constate Anne Jeger, psychologue clinicienne à Lausanne. Jusque-là, les missions étaient bien définies, le chemin tracé par les générations précédentes. La mère restait au foyer tandis que le père consacrait son énergie au travail. Celui-ci prenait rarement le relais et les enfants grandissaient à l’ombre de l’autorité maternelle. Organisation au quotidien, devoirs, petites ou grandes décisions, l’éducation revenait naturellement à la mère tandis que le père restait à distance. Mais ça, c’était avant. « Les rôles étaient strictement déterminés, observe Nicolas Favez, professeur de psychologie clinique, à l’université de Genève. Avant, il n’y avait pas de discussion, de négociation alors qu’aujourd’hui chacun des deux parents a des attentes personnelles. » Quand rien ne va plus, que la rupture est inéluctable, chacun doit prendre ses responsabilités et s’entendre malgré tout pour le bien de l’enfant. « En se séparant, certains pères se sentent davantage concernés ou sont parfois obligés de l’être, note Mme Jeger. La situation développe chez eux une réelle envie de transmettre des expériences, des valeurs, de partager des moments ludiques avec leurs enfants, de créer des souvenirs. » Ce besoin compréhensible de rapprochement lorsqu’il y a séparation est aussi revendiqué par les nouveaux pères. Sans être absents du foyer, ils veulent encore plus de proximité et de complicité affective avec leurs enfants. Ils dessinent les contours d’une nouvelle paternité, basée sur le partage et une plus grande implication. Prennent-ils le chemin d’une coparentalité assumée?
La coparentalité dans une famille unie ou séparée, signifie un environnement à la fois bénéfique pour les enfants mais aussi pour les parents. Sans vouloir faire du père une mère comme les autres, la coparentalité est d’abord psychologique. «Même si la femme reste au foyer, ce qui compte c’est la reconnaissance du mari, son soutien moral, détaille Nicolas Favez. Du moment qu’il y a accord entre les parents, la coparentalité peut prendre toutes les formes.» Se répartir les tâches ménagères, prendre le relais de sa femme pour s’occuper des enfants est pour l’homme, une des façons de remplir sa parentalité. «Le respect de l'autre devant les enfants, des valeurs éducatives communes sont en partie les conditions d'une bonne coparentalité, détaille Anne Jeger. Il y aussi la capacité à écouter l'autre, à faire des compromis, à tenir ses engagements.» Du temps et des efforts sont nécessaires pour construire et entretenir un climat d’entente mutuelle. Et quand les familles se recomposent, cela relève du tour de force d’ajuster les points de vue de tous les acteurs. L’enfant se retrouve confronté non plus à un mais à plusieurs modèles parentaux. A ses parents biologiques séparés, s’ajoutent le beau-père ou la belle-mère. De nouveaux référents, des systèmes parallèles, l’équation éducative devient un exercice délicat pour concilier l’ensemble et éviter les couacs. La coparentalité est une notion récente, où hommes et femmes se croisent, se parlent et décident ensemble. A l’épreuve des crises, des non-dits, elle encourage la négociation et met en avant l’art du dialogue.
François Jeand’Heur
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