Connaître la vie d’Alexandre le Grand, savoir s’exprimer en public, lire son horoscope du matin… Il y a tellement de choses qui nous semblent un acquis dans notre vie quotidienne qu’on oublie la plupart du temps qu’il s’agit d’un héritage. Le travail des artisans calligraphes et enlumineurs du Moyen Âge, qui ont copié, illustré et sauvegardé des textes cruciaux de l’Antiquité ou de leur époque, qu’il s’agisse de science, de droit canon, de musique ou de l’histoire de l’humanité, a permis la transmission d’une sagesse qui nous aurait autrement échappé.
Mais le fruit du travail de ces hommes va bien au-delà du simple contenu des documents sur lesquels ils ont travaillé : ces illustrations minutieuses et précises, faites à la plume ou au pinceau, en appliquant des couleurs à base de pigments naturels ou des feuilles d’or, nous ont laissé de véritables trésors, d’une beauté presque indicible.
À l’occasion des 15 ans du projet national de numérisation e-codices, la Fondation Martin Bodmer, en partenariat avec la Bibliothèque de l’Abbaye de Saint Gall, rend hommage à ces artistes, virtuoses de l’image dont les numérisateurs du XXIe siècle sont en quelque sorte les continuateurs, à travers une sélection des plus impressionnants manuscrits enluminés extraits de ses réserves et de celles de quinze bibliothèques suisses.
Transportez-vous dans l’atelier d’un maître enlumineur du Moyen Âge, où les secrets de ce monde magique et mystérieux, ces Trésors enluminés de Suisse vous seront exceptionnellement dévoilés…
Pour cette nouvelle exposition, la Fondation a eu envie de sortir de ses réserves des ouvrages rarement montrés, car leur taille, soit beaucoup trop grande, soit bien trop petite, les rend peu propices à une exposition classique. Le plus petit livre (une version en sept langues de la célèbre prière du « Notre-Père ») se compose de deux tomes de 4,5 mm, pesant environ 2 grammes. Quant au plus grand c’est un livre de format in-plano « atlantico », les Pitture a fresco del Campo Santo da Pisa de Carlo Lasinio (Florence, 1812) : il mesure 92 x 61 x 6.5 cm et pèse près de 30 kilos.
Si les tailles varient, les contenus sont eux aussi très éclectiques : religion, littérature, voyages, sciences, politique et art sont abordés dans ces formats étonnants appelés in-plano, in-folio, « minuscule », « nain » ou « microbe ». Les ouvrages de grand format présentent souvent des illustrations, et c’est même l’illustration même qui souvent commande le choix de cette taille. En effet, qu’il s’agisse d’ouvrages de voyage, de sciences naturelles ou de politique de prestige, les planches gravées sont un élément essentiel : plus elles sont grandes, plus le détail et la précision sont permis.
Les petits formats, à l’inverse, sont assez souvent purement textuels. Il s’agit de condenser une œuvre dans un volume réduit, en se contentant de l’essentiel pour l’emporter en voyage dans une poche ou pour imprimer de minces éditions clandestines destinées à échapper aux polices politiques ou aux douaniers ! Une exposition XXL pour petits et grands afin de mieux comprendre la variété fascinante de l’objet-livre et de se rappeler la variété infinie de morphologies que le livre (« codex ») a pu adopter dans son histoire déjà vieille de deux millénaires.