Un camion pour un garçon, une poupée pour une fille, après tout quoi de plus normal ? Sauf que sous l’emballage, il y a souvent une définition implicite des rôles de chacun. Au garçon, la mission de « conduire », à la fille de s’occuper du foyer. C’est un peu résumé mais quand la société évolue, la représentation des jouets reste souvent caricaturale. Dans les rayons des magasins, la distinction entre sexes continue d’être bien marquée. « Ce sont les adultes qui font rentrer les enfants dans ces rôles, juge Samuel Safforre, propriétaire du magasin de jouets la Marelle, à Lausanne. Ici, plutôt que le sexe, nous nous attachons d’abord à l'âge et au caractère de l’enfant qui sont déterminants pour le choix du jouet ».
Noël, les anniversaires sont des occasions de faire plaisir à ses enfants ou petits-enfants. Les parents, grands-parents offrent en même temps, des références morales, personnelles, familiales, sociales dont ils ont eux-mêmes hérités. Ils peuvent donc reproduire inconsciemment les stéréotypes en cours à leur époque. Et ils ne veulent pas non plus prendre le risque de décevoir. « Il adore les voitures ! Quand un client me dit ça, il sous-entend, trouvons-lui la même chose, souligne M.Saffore. Au lieu de lui proposer à nouveau des voitures qu’il a sûrement en grand nombre, pourquoi ne pas tenter autre chose…». Ce rôle de prescripteur est avant tout une démarche éthique, éducative destinée à éveiller la curiosité. Au quotidien, les jeunes enfants échangent entre eux leurs univers. Que ce soit au sein d’une fratrie ou en garderie, un jeune garçon jouera sans complexe à la poupée, à la cuisinière. C’est pourquoi, des initiatives de distributeurs essaient de gommer ces différences en destinant des jouets mixtes aux deux sexes. Sur les emballages apparaissent indifféremment filles et garçons jouant à des jeux de construction ou à la dinette. Les couleurs sont neutres également pour ne pas retomber dans les clichés. Les jouets participent activement à la fabrication de l’identité de l’enfant, mais ils ne font pas tout non plus. « Le jouet lui ouvre des portes mais il ne change pas l’enfant, juge Samuel Saffore. Son regard sur le sexe opposé, sera bien plus influencé en voyant par exemple ses parents se partager les tâches ménagères ».
Voir aussi notre article sur les jouets sexistes à Noël
«C’est un paradoxe, avance Silvia Ricci Lempen, écrivaine vaudoise et spécialiste des études genre. Dans une société plus égalitaire qu’avant, on renforce l’identité sexuelle des jouets comme si l’on voulait donner des réassurances ». Alors que les filles sont encouragées à faire des études, à devenir chirurgien, pilote de ligne, une certaine angoisse s’installerait de ne plus les distinguer des garçons. Dans un monde qui bouge, les jouets traditionnels seraient donc un moyen de garder des repères ancestraux. « Il ne faut pas non plus tomber dans le volontarisme, obliger un garçon à jouer à la poupée, avertit Mme Ricci Lempen mais simplement les laisser libres ». Le rose ne déteint pas sur la sexualité des garçons mais continuera d’interroger plus d’un parent un certain temps encore. Pour lutter contre un sexisme latent et sans tomber dans un hyper-égalitarisme, les jeux sans genre sont une bonne chose tant qu’ils restent un choix. Ils n’empêcheront jamais les petites filles de se maquiller et les petits garçons de taper dans un ballon, ils leur donneront simplement plus d’alternatives. La petite fille continuera à rêver d’être une princesse dans son château, à la différence près qu’elle pourra le construire elle-même!
François Jeand’Heur
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